Thursday, March 27, 2008

Prologue

Les 6 puits.

prologue -

Je m'allongeais souvent sur le dos regardant le plafond blanc, me concentrant sur cet espace infini que je créais dans ma tête, en imaginant autant de choses que mon petit cerveau de huit ans pouvait supporter. J'avais toujours vécu seul; les gens se trompent souvent lorsque je dis "seul", probablement dû au fait que je m'exprimais peu et pas non plus de la meilleure façon; je n'avais ni frères, ni sœurs et je n'avais jamais connu mon père. Ma mère m'avait élevé dans cette petite ferme à vingt minutes de route de la ville. Nous avions une très modeste maison qui méritait une bonne rénnovation - un mot bien trop compliqué à une période ou l'école ne m'inspirait que les morceaux de papiers mâchés qu'on envoyait sur les profs. Je me rends compte que l'enfant en moi est toujours là et que la bien étrange histoire des six puits y est pour beaucoup.

Monday, March 24, 2008

Chapitre 1 - Terrain d'entente

L'arrière-cour de ma petite maison était vaste et aurait été aujourd'hui le terrain de jeux rêvé de n'importe quel gosse; quelques chèvres y trouvaient leur compte dans de petits carrés d'herbe, et elles ne souciaient point de ce qui se passait autour. De temps à autre, elles remuaient la queue pour éloigner les mouches qui, en fin de compte, ne nuisaient qu'à leur propre intérêt.

J'aimais croire que la boue était la preuve qu'on était en vie. Tom et moi passions des heures pieds nu, dans l'arrière-cour à piétiner dedans avec toujours le même enthousiasme, à jouer et à s'inventer des univers remplis d'actions. Tom n'était pas plus haut que moi. Ce qui le distinguait des autres, à part le fait qu'il avait les cheveux juste a peine roux au centre du haut de son crâne, est qu'il avait toujours une chaussette plus haute que l'autre pendant les rares moments qu'il en portait; à l'église par exemple, il avait la fâcheuse habitude de bâiller et de ricaner à chaque fois qu'il ne comprenait pas une phrase du curé.

Il n'habitait qu’à quelques centaines de mètres de chez moi et il n'a suffi que de quelques mots pour qu'on se lie d'amitié. Je vous parlerai de cette fabuleuse rencontre plus tard. Les relations deviennent plus compliquées quand on grandit, le protocole devient plus complexe et la nature du tissu qui nous lie les uns aux autres change. Tom était l'exemple type d'un bon vivant, de l'énergie - ah, qu'il en avait à en revendre, et la mesquinerie très prononcée chez lui, le sortait rarement d'affaire.

Ma mère passait trois quarts de son temps dans la cuisine préparant des petits fours qu'elle vendait régulièrement à la pâtisserie, si ce n'était pas pour ça, elle récoltait des fleurs et aller les vendre au centre. Les villageois admiraient son courage, du moins quand j'étais avec elle, j'étais bien trop jeune à l'époque pour déceler l'hypocrisie derrière certains commentaires; peut être bien que oui quand même: je remarquais souvent ce faux sourire chez la tante Lisa, quand elle s'adressait a ma mère histoire d'engager la conversation et a lui posé des milliers de questions sur tout et rien. Ladite tante tenait la seule pâtisserie du village, elle était connu de tous, à moins de ne jamais avoir mangé de gâteaux de sa vie ou encore n'être jamais sorti de chez soi. Elle n'avait sans aucun doute aucun lien génétique avec qui que ce soit au village; elle est apparue comme ça, un matin, et même maintenant, personne ne savait vraiment rien d'elle. Elle s'était fait respecter par sa légendaire générosité pendant une période où le village était en crise - d'où le titre de tante par signe de respect, mais la façade artificielle qu'elle projetait me laisser tout le temps un arrière-goût dans la bouche.

Tom n'était un fervent admirateur que pour les sucreries soigneusement rangées dans un bocal transparent sur le comptoir en bois du magasin de notre tante. Ses tentatives de vol lui ont valu quelques gifles, des jours de corvées. Il savait s'y prendre mais très souvent, ça ne se passait pas comme prévu, et il fut pris en flagrant délit le jour où il avait écrasé le bol en essayant de s'enfuir. J'étais persuadé qu'il aurait été un bon avocat plus tard, il était passé par tellement d'embrouilles, qu'il pouvait mesurer parfaitement les conséquences, il connaissait les issues de secours et était conscient, par un simple calcul, des jours de travaux forcés qu'il allait subir. Je crois que le vol pour lui était une façon comme une autre, tout comme la boue, de se sentir en vie.

"...Votre fils souffre d'un dysfonctionnement affectif qui le pousse probablement à essayer de combler un manque, qu'on lui a enlevé quand il était tout jeune..!" Ses parents regardaient, le docteur Mendo - le thérapeute du village - avec de grands yeux écarquillés après qu'il ait prononcé ces paroles. N'ayant pas compris l'ampleur de cette conclusion, son père demanda avec une certaine dose d'inquiétude: "Est-ce que c'est grave docteur?". Les explications compliquées sont souvent de trop. Tom trouvait dans le vol une échappatoire, un moyen d'attirer l'attention et aussi un certain plaisir en entendant les hurlements de colère des victimes de ses actes, qui essayaient de le rattraper en courant.

Il m'a valu, quant à moi, une mauvaise réputation à l'école d'être constamment avec lui. La vérité est que je ne m'ennuyais jamais avec lui. Les gamins, qui arrivaient en vêtements toujours propres et des chaussures cirées au point de nous casser les yeux quand le soleil frappait dedans, nous pointaient toujours du doigt pour toutes les raisons imaginables, là était notre réalité: on accumulait les mauvaises notes, on ne restait pas propre pendant plus d'une heure, des fois on allait même jusqu'à tirer les cheveux des filles pendant la récré, et on avait presque un mini casier judiciaire. On réaliserait plus tard que se retrouver près des filles malgré notre jeune âge nous procurait un certain plaisir.

Qu'est-ce qu’il nous fallait de plus au juste pour vivre? De dangers? D'aventures? Notre vie n'était pas si mal dans le fond. Ce qui la rendait magique fut le fait qu’on n’avait pas de but précis et que rien ne semblait nous préoccuper...